Le 13 octobre au soir, plusieurs amendements ont été examinés visant à clarifier la fiscalité relative aux cryptos-actifs comme le « Bitcoin » à l’Assemblée Nationale.
Des amendements votés
Ces amendements ont été portés en partie par le député de la 6e circonscription de Paris Pierre Person, fervent défenseur d’une prise en compte rapide de l’État français de l’intérêt de légiférer convenablement à propos de ces nouvelles technologies. Ceci se justifie tant au regard de la manne financière dont le fisc pourrait bénéficier in fine que dans la posture géopolitique que cela pourrait apporter à la France.
Selon les mots de l’élu parisien, ces amendements ont pour principal objectif de « simplifier la vie des détenteurs de cryptos-actifs et renforcer l’attractivité de ce secteur en France ».
La commission des Finances a également portée une série d’amendements identiques visant à assimiler la fiscalité des bénéfices sur les actifs numériques au régime des opérations de Bourse, pour le cas des particuliers. Cette modification viserait à garantir aux particuliers une imposition à 30%, permettant par là-même de lever une incertitude fiscale qui conduit depuis quelques années maintenant de nombreuses personnes à s’expatrier vers des destinations comme Malte ou encore le Portugal, pays ne taxant aucunement les plus-values issues de ces actifs.
Parmi ces amendements, plusieurs mesures sont présentées, et plus particulièrement un choix quant au régime d’imposition de ces plus-values. Dans un premier temps les amendements n°I-1398,n°I-318,n°I-1362et n°I-1502 évoqués le 5 octobre dernier proposent que les bénéfices issus des opérations sur actifs numériques soient considérés comme provenant d’une profession non commerciale ou qu’ils soient assimilés aux BNC (Bénéfices non commerciaux). À ce titre il serait en pratique ajouté un article au Code général des impôts disposant « Les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité́ exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations ».
Dans un second temps, les amendements n°I-1503, n°I-320 etn°I-1399 proposent aux particuliers cédants d’actifs numériques d’opter pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. A l’heure actuelle, les plus-values issues de ces actifs sont imposées à la « flat-tax » (rappelons que cette taxe est l’empilement de deux taux distincts : 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8% au titre de l’impôt sur le revenu). Or, plusieurs retours d’expériences ont permis de constater que cette imposition forfaitaire unique était désavantageuse aux plus modestes qui étaient pénalisés par ce taux. Il semblerait que dans ces cas-là le barème progressif de l’impôt sur le revenu soit plus avantageux. Ainsi, prenons l’exemple d’une personne ayant un revenu très faible, en dessous de 25.710€ par an (chiffres issues du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2021) l’option du barème progressif sera plus avantageuse pouvant être de 11%, voire de 0% pour les revenus inférieurs à 10.084€.
Toutefois, le gouvernement français étant frileux à ce propos, le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a fait voter un sous-amendement (n°I-2127) pour que cette disposition ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2023, donnant ainsi aux services de Bercy le temps de s’adapter et d’apprécier la pérennité de ces mesures.
Des amendements rejetés
En revanche, beaucoup d’amendements n’ont pas été adoptés, à ce titre les amendements n°I-1894 et n°I-1387 qui précisaient le régime fiscal les jetons non-fongibles « non-fongible tokens » (NFT). Un NFT est un type spécial de jeton cryptographique pouvant représenter plusieurs choses (image, vidéo, audio voire des tweets), sa particularité est que ce jeton est rattaché a une identité numérique reliée à un propriétaire dont l’authentification est validée grâce au protocole d’une blockchain (technologie sur laquelle est basée les cryptomonnaies). Ces actifs étant cessibles par nature, il est donc possible de faire une plus-value dessus. Les auteurs des amendements proposaient que les plus-values réalisées par les personnes physiques domiciliées fiscalement en France lors d’une cession à titre onéreux de jetons non-fongibles ne soient pas imposées selon le régime général des plus-values de cession d’actifs numériques mais le soient en fonction de leur actif sous-jacent. La majorité des NFT étant à l’heure actuelle des images, l’idée serait d’imposer la plus-value d’un tel actif au régime général des ventes d’œuvres d’art par exemple.
A la liste des amendements n’ayant pas été adoptés on peut rajouter celui visant à exonérer de plus-value les particuliers utilisant leurs actifs numériques comme moyen de paiement (amendement n°I-1893), ou encore celui proposant d’autoriser les reports des moins-values en actif numériques sur 10 ans (amendements n°I-163, n°I-1897).
En réalité, ces amendement visaient plus à engager un débat sur ces nouvelles formes d’actifs plutôt que de réellement légiférer à ce sujet. Toutefois député Pierre Person a mis en garde quant à la volonté du Gouvernement de prendre son temps sur ces sujets : « Je veux bien qu’il faille prendre son temps. J’espère juste qu’on ne reproduira pas les même erreurs qu’avec Internet. Aujourd’hui quand nous consommons Internet nous consommons américain…nous européens nous faisons que de réguler. »
Il est vrai que ces dernières années, les critiques sont florissantes à l’égard des différents gouvernements quant à leur attentisme voire leur incompréhension face aux nouvelles technologies. Il semble nécessaire que la France prenne les devants à ce sujet le plus vite possible afin de se placer en tant qu’acteur étatique important d’une technologique qui est en voie de devenir plus qu’importante dans les années à venir.
Yann Besseau pour LISA Montpellier