Le 14 mars 2022 sera voté par la commission monétaire du Parlement de l’Union européenne un projet de législation européenne relatif aux marchés des cryptoactifs (MiCA).
Pour rappel, le MiCA (ou “Markets in Crypto-Assets”) est un projet de règlement de la commission européenne s’intéressant au marché des cryptomonnaies ainsi qu’aux prestataires de services sur ce marché.
Les objectifs du MiCA
Ce projet porte en germe un double objectif, d’abord celui d’harmoniser les législations des Etats membres européens relatives à ces nouveaux actifs. À l’heure actuelle, les différents pays européens soumettent leurs citoyens à des régulations très différentes. Si aujourd’hui, en France, un prestataire de service exerçant dans ce domaine se doit de respecter certaines formalités telles que la mise en place de mesure d’identification de ses utilisateurs ou encore son inscription auprès de l’AMF, ce n’est pas le cas dans tous les Etats membres. Même constat pour l’imposition, qui est aujourd’hui de 30 % (Flat Tax) en France sur les plus-values réalisées avec ce type d’actifs financiers, tandis que d’autres Etats membres abaissent ce chiffre à 20 %, voire moins. Le risque d’une pérennisation de ces divergences serait qu’à terme celles-ci entraînent une malheureuse et inéluctable fuite de cerveaux vers des pays à la fiscalité plus avantageuse.
Le second objectif porte sur un volet plus technique, celui de la régulation des « stablecoins ». Un stablecoin ou jeton stable est un type de cryptoactif indexé à un autre actif. En l’occurrence, l’intérêt de ce règlement se porte sur ces jetons stable indexés au cours de l’euro.
Des propositions anti Bitcoin
Toutefois, si la démarche et les objectifs de ce projet sont plus que louables, ce dernier a récemment fait l’objet de nombreuses critiques et a dû voir l’échéance de son vote reportée en raison de propositions considérées comme « anti-bitcoin ». En effet, les parlementaires de l’Union européenne avaient proposé des règles visant à interdire, à partir de janvier 2025, les cryptomonnaies reposant sur des mécanismes de consensus considérés comme non durables sur le plan environnemental, comme le Proof of Work (preuve de travail). Ce qui a été perçu par la communauté comme une tentative déguisée d’interdire le Bitcoin, provoquant une réponse virulente de celle-ci.
L’idée selon laquelle les actifs reposant sur un tel consensus devraient être banni n’est pas nouvelle et se retrouve être l’un des arguments principaux des différentes parties réfractaires à la démocratisation de cette révolution technologique, avec d’autres idées répandues selon lesquelles ces actifs servent majoritairement à des opérations frauduleuses telles que du blanchiment d’argent ou encore l’achat de biens hors du commerce juridique. S’il est vrai que les processus permettant de « miner » des Bitcoins sont énergivores, il est intéressant d’observer qu’un récent rapport a démontré que la consommation énergétique de l’intégralité de ces processus sur le territoire européen représentait en 2021 0,198 % de l’émission énergétique européenne totale.
Par ailleurs se pose également la question de la légitimité de la consommation d’énergie. En effet lorsque l’on connaît l’importance de l’empreinte carbone que peut avoir une plateforme de streaming vidéo, il est opportun de se demander si, plutôt que de chercher à nécessairement bannir des consensus jugés peu écologiques, nous ne devrions pas plutôt nous interroger quant à nos manières de consommer cette énergie.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que l’écrasante majorité des nouveaux actifs entrant sur le marché reposent sur des consensus différents balayant aisément l’argument écologique, tels que le Proof-of-Stake ou Proof-of-Authority.
Quel sera le futur des cryptoactifs en Europe ?
Cette débâcle a poussé le Dr Stefan Berger, député à la direction de la Commission des affaires économiques et monétaires, à publier sur son compte Twitter le 7 mars un message affirmant : « Un sujet indépendant sur le proof of work n’est plus prévu dans le MiCA »
Une fois n’est pas coutume, le député français Pierre Person, fervent défenseur de la mise en place d’une législation opportune à ce sujet, s’est exprimé sur son compte Twitter en des termes engagés. Selon lui, le vote de cette régulation « condamne le futur des cryptoactifs en Europe » en rendant plus difficile l’utilisation des NFT et de la DeFi (finance décentralisée). Il rappelle également le caractère, selon lui, caricatural de l’argument écologique dans ce débat en affirmant : « Si chacun de nous doit défendre une société plus écologique et vertueuse, interdire le PoW (Proof Of Work) est une vision simpliste et caricaturale. De plus, cela revient à interdire une activité – le minage de cryptoactif – qui n’existe pas sur le territoire européen » ou en rappelant que l’importance du débat lié à l’énergie consommée par l’univers crypto se situe en amont en écrivant : « La question n’est pas la consommation d’énergie du Bitcoin, mais l’origine de cette énergie. Il serait plus pertinent d’interdire l’exploitation minière des énergies fossiles et de favoriser les acteurs qui se tournent vers les énergies renouvelables excédentaires pour améliorer la rentabilité de ces moyens de production. ».
Au-delà de ces considération écologiques, c’est en réalité un enjeu géostratégique et économique qui se jouera lors de ce vote. La régulation stricte d’un domaine aussi juvénile et en pleine croissance desservirait fortement, à terme, la cause européenne en alourdissant plus que de raison les législations afférentes à ce domaine d’activité. Ceci pourrait alors donner un avantage compétitif considérable à des acteurs étrangers. Il serait ainsi contreproductif de réguler directement une technologie plutôt que les futurs cas d’usage que celle-ci pourrait créer.
À ce titre, les conclusions de Pierre Person sont frappantes et porteuses d’un message fort : « Une fois de plus, nous allons à l’encontre de l’Histoire. Encore une fois, on laisse des opportunités aux autres tout en se vantant d’avoir une bonne régulation. Si ce texte est adopté tel quel, nous en paierons le prix en termes de compétitivité et d’intérêt des citoyens européens ».